S’engager dans la démarche zéro déchet zéro gaspillage, ça commence avec des initiatives locales. Dans cette série « Le zéro déchet à Paris », on vous fait découvrir des idées, des projets et des initiatives qui s’inscrivent dans une économie sociale et solidaire pour la réduction des déchets sur le territoire de Paris et Île-de-France. Découvrez les personnes qui à côté de chez vous se mobilisent et font bouger les choses. Direction l’atelier Sape de lutte dans le 5e arrondissement de Paris !
Qui ? Sape de lutte
Quoi ? Un atelier de sérigraphie qui récupère des vêtements de seconde main pour floquer des œuvres militantes dessus.
Où ? À Césure, un tiers-lieu situé au 13 rue Santeuil à Paris, dans le 5ème.
Les vêtements sont vendus au Emmaüs de Césure mais il est aussi possible de trouver l’atelier au 3ème étage du bâtiment, en tournant à gauche.
S’engager jusqu’au bout du fil : découvrir Sape de lutte
Parmi les 210 000 tonnes de textiles collectés et triés en France en 2016, 60% ont été réinjectés dans les filières de réemploi en seconde main. Des tee-shirts, vestes et pulls qui doivent maintenant trouver preneur·euse sur les étales des friperies, parfois difficilement par manque d’attrait.
The Guardian indiquait que les boutiques de charité ne vendaient que 20% de ce qu’elles recevaient, le reste étant souvent exporté à l’étranger. L’atelier de sérigraphie Sape de lutte donne aux habits rabougris une nouvelle vie et surtout un nouveau sens, avec seulement quelques coups de pinceaux.
En haut de l’ancien campus Censier de la Sorbonne, trois bénévoles s’agitent pour répondre aux commandes de tee-shirts floqués qu’iels reçoivent. Sape de lutte a élu domicile à Césure dans le 5ème arrondissement, un tiers-lieu qui héberge aujourd’hui 200 structures et acteur·ices de l’économie sociale et solidaire.

Des tee-shirts et pulls en tout genre reposent fièrement sur les étagères en arborant des messages militants. En tirant quelques manches, on peut voir apparaître les messages “L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage”, “Sois jeune et nettoie” ou encore « Bernard Godzillarnaud”, accompagnés d’illustrations réalisées bénévolement par des artistes militant·e·s, les artivistes.
Le projet, porté par Action Justice Climat, est né il y a bientôt 6 ans dans un co-working qui abritait Alternatiba (ancien nom d’Action Justice Climat) ou Les amis de la Terre. L’atelier s’est fait connaître grâce au bouche-à-oreille entre associations. Souvent mobilisé·e·s pour fournir à des associations des tee-shirts reconnaissables pour les bénévoles, Sape de lutte s’est retrouvé à travailler sur des projets un peu partout en France et propose même des ateliers à l’occasion.
De la récupération à l’utilisation, pour une économie sociale et solidaire
Chaque vêtement est floqué à la main à l’aide de grands cadres fabriqués spécialement pour chaque design. Marie-Christine et Patrick se baladent en grande blouse blanche pour éviter de se tacher, un gros pot de peinture textile à la main. Sur les blouses colorées, on peut voir tout l’historique des designs de l’atelier, les oiseaux bleus survolent le slogan Résistance. Le manège de cadres orange prend quasiment toute la place du petit atelier, où sont stockés les tee-shirts à floquer, les commandes en cours et les vêtements destinés à la boutique Emmaüs de Césure.
Marie-Christine et Patrick récupèrent des vêtements sur le site du Relais Val de Seine dans les Yvelines, un petit périple en train à faire tous les mois pour faire vivre l’atelier. “Ce qui prend le plus de temps, c’est de trier et préparer” confirme Marie-Christine. Chaque pièce est choisie et inspectée minutieusement, en fouillant 2 tonnes de tissus, iels ne récupèrent que 50kg de vêtements environ. Un processus qui prend du temps, surtout pour déceler les petits trous cachés.
Outre la boutique solidaire, Sape de lutte propose aussi de floquer des tee-shirts pour des évènements. En fonction des exigences, la quête de vêtements vierges peut s’avérer plus compliquée, “Est ce qu’il faut un col spécifique, des manches courtes ou longues, une couleur précise…”, un petit casse-tête dans lequel les bénévoles naviguent avec brio.
Si Marie-Christine s’occupe plus de la partie logistique, Patrick, lui, gère la confection des habits. La sérigraphie parait simple, presque mécanique à travers les gestes des deux bénévoles. À trois, iels peuvent fabriquer jusqu’à 100 vêtements par jour.



L’habit comme étendard politique
En fonctionnant uniquement avec des bénévoles et des artivistes, Sape de lutte met en avant un volet essentiel de l’économie sociale et solidaire : l’engagement. La plupart des client·e·s de l’atelier choisissent de payer un peu plus cher les tee-shirts issus de seconde main floqués par rapport à l’achat de neuf afin de soutenir l’association et encourager les initiatives de réemploi.
Avec des messages souvent à l’intersection des luttes, chacun·e peut trouver son bonheur dans les étagères de l’atelier. Une initiative qui reste abordable pour les particuliers tout en étant un objet qui porte un réel sens pour elleux, comme on peut le lire sur le compte Instagram @sapedelutte : “Porter Sape de lutte, c’est comme se balader avec sa pancarte de manif, mais toute la journée et sur soi.”
Un engagement nécessaire qui fait écho avec l’actualité. Seulement 10 à 12% des vêtements jetés dans le monde sont recyclés ou repartent dans des filières du réemploi (80% finissent dans nos ordures ménagères et sont incinérés ou enfouis). Le plus gros enjeu reste de s’attaquer au problème à la source, la production de vêtements. 150 milliards de vêtements sont produits chaque année, représentant jusqu’à 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiales.



Le 2 juin, la loi anti fast-fashion sera examinée au Sénat après être passée à l’Assemblée nationale plus tôt dans l’année. La loi propose des objectifs ambitieux, avec 3 points clés. Elle vise à renforcer l’information et la sensibilisation du consommateur sur l’impact environnemental de la fast fashion, renforcer la filière de responsabilité élargie du producteur et interdire la publicité aux entreprises de fast fashion.
Malgré ces bonnes nouvelles, auxquelles s’ajoute la validation de la commission européenne de l’affichage du coût environnemental, plusieurs associations dont Zero Waste France craignent un détricotage de la loi pour épargner certains géants de l’industrie textile.