S’engager dans la démarche zéro déchet zéro gaspillage, ça commence avec des initiatives locales. Dans cette série « Le zéro déchet à Paris », on vous fait découvrir des idées, des projets et des initiatives qui s’inscrivent dans une économie sociale et solidaire pour la réduction des déchets sur le territoire de Paris et Île-de-France. Découvrez les personnes qui, à côté de chez vous, se mobilisent et font bouger les choses !

Qui ? Naturellement végétale
Quoi ? Un salon de coiffure 100% naturel et végétal avec un accent particulier sur la réduction des déchets
Où ? Au 26 Rue de l’Abbé Grégoire, dans le 6ème arrondissement de Paris : en plein dans le Territoire zéro déchet rue Littré
Le zéro déchet… jusqu’à la pointe des cheveux
Réduire ses déchets en tant que commerçant·es, ça peut être plus ou moins évident. Si dans la restauration ou dans le textile, la source de la production de déchets est évidente, ce n’est pas le cas dans tous les domaines… mais c’est aussi l’occasion de remettre en cause les pratiques actuelles et de les réinventer. C’est ce qui a été fait par Mokhtari Khalid à Naturellement végétale, un salon de coiffure 100% naturel et végétal qui propose des soins capillaires en vrac et des bouteilles de shampoings rechargeables.


Passer au végétal, mèche après mèche
À l’origine, le salon avait tout d’un salon de coiffure classique : coloration chimique, oxydant, shampoings du commerce… Après tout un apprentissage dans la formation classique des artisans coiffeurs, rien ne prédestinait Mokhtari et sa compagne à changer de direction.
Néanmoins, les préoccupations environnementales et sanitaires commencent à s’immiscer dans le quotidien du salon. À la naissance de leur premier enfant, c’est le déclic.
“On parle souvent de ce qu’on mange, mais ce qu’on met sur la tête, ça compte aussi […] Par exemple, on s’est rendu compte qu’il y avait une prévalence des cancers de la vessie chez les coiffeurs” liée aux teintures capillaires et autres produits chimiques utilisés. Des craintes justifiées lorsque l’on sait que le Centre international de recherche sur le cancer, agence de l’OMS, a classé le métier de coiffeur comme cancérogène « probable ».
De nouvelles questions se sont alors posées : comment passer au végétal ? Comment l’annoncer à sa clientèle ? Comment réapprendre quand les formations sont construites autour des colorations et produits chimiques ?


“Après le premier jour de formation au végétal, on ressortait avec la tête lourde, tant il y a des années d’apprentissage à désapprendre et à réapprendre”. Ces formations, c’est aussi un moyen de faire des rencontres : chaque année, iels y retournent pour revoir des gens du métier, échanger et apprendre davantage. Rares sont les écoles de coiffure et d’esthétique à proposer une formation complète en soin capillaire végétal.
C’est grâce au bouche à oreille, aux recherches et aux formations, qu’ils rencontrent Marcapar, leur fournisseur actuel. En plus de former sur ses produits, le fournisseur promeut les circuits courts et travaille continuellement à réduire ses déchets.
Récipients au maximum en verre ou en métal, recharge disponible en magasin, pas d’échantillon distribué, cartons réutilisés d’une livraison à l’autre… tous les efforts sont faits pour éviter le déchet. Aujourd’hui encore, Marcapar travaille à supprimer totalement le plastique de sa gamme.
Un soin de qualité sans se couper les cheveux en quatre
Ses produits, Mokhtari Khalid en est particulièrement fier. Aloe vera, lavande, hibiscus… le catalogue s’adapte aux besoins des cheveux des client·es.
Une hésitation sur leurs propriétés ? Un abécédaire des plantes utilisées dans la fabrication des soins capillaires est à disposition des client·es, par souci de transparence et de traçabilité. Une trace qui ne vient pas de si loin : la base lavante est faite à partir de lentilles blondes cultivées à Clermont-Ferrand.
Après leur passage sur les fauteuils du salon, les client·es peuvent même rapporter un peu de Naturellement végétale à la maison grâce aux bouteilles rechargeables d’hydrolat. Associé avec la base lavante, l’hydrolat et la poudre offrent la possibilité de fabriquer soi-même son soin et de le personnaliser à la maison.
Ce choix du réemploi, loin d’être un frein, permet de fidéliser une clientèle à la recherche d’alternatives. “Il y a souvent des personnes désespérées qui ont développé des allergies ou du psoriasis qui viennent vers nous, et on est fiers de pouvoir les aider”. Les client·es souvent rassuré·es de savoir qu’iels peuvent recharger leur bouteilles, repartent en ayant le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien pour leur santé et la planète.



Quand les cheveux nettoient la planète
Les contenants de shampooings, soins et coloration représentent la majeure partie des déchets d’un salon de coiffure. En gardant seulement les gros bidons de rechargement d’hydrolat, Naturellement végétale réduit ses déchets, mais aussi sa facture. En comparant avec des produits chimiques, la différence de prix avec le naturel n’est pas vraiment flagrante et les gros cubitainers s’avèrent moins chers que l’achat de petits produits.
Il fallait aussi trouver une solution pour un autre déchet évident des salons de coiffure : les cheveux. Une fois contact pris avec une entreprise de recyclage de cheveux, les cheveux du salon, autrefois jetés à la poubelle, ont pu connaître une nouvelle vie… en tant qu’absorbeur de polluant dans l’eau !
Les propriétés absorbantes de la fibre capillaire en font une matière première convoitée pour créer des boudins flottants utilisés contre des déversements de carburants et autres contaminants. Un boudin d’un kilo peut absorber jusqu’à huit fois son poids d’hydrocarbures dans l’eau.
L’eau est une ressource elle aussi pleinement exploitée par le salon, entre les shampooings et les lessives de serviettes. Il a fallu innover en adoptant un filtre pour diminuer la consommation d’eau et récupérer l’eau des lessives pour laver les sols à la fin de la journée.
Dans le salon, tout est pensé pour faire mieux, et surtout pour faire du bien.


C’est en tout cas le ressenti des client·es de Naturellement végétal. Le bouche-à-oreille a fait du salon un incontournable du quartier pour prendre soin de ses cheveux.
Moins de démangeaisons, une meilleure qualité du cheveu, les client·es se sentent aussi plus investi·es dans leur santé et pour l’environnement, en rapportant leurs propres sacs à vrac. “On a l’impression d’avoir appris un nouveau métier. On se sent aussi plus valorisé, parce qu’on peut apporter un plus pour la santé et le bien-être des client·es.”
Le plus dur ? “Faire le premier pas”, parce que la tâche semble immense au premier abord. Mais à force de conviction et de travail, Naturellement végétale a réussi son pari en réinventant le métier d’artisan coiffeur.