Quelle solution pour une vente à emporter zéro déchet ?
Traditionnellement associée à la restauration rapide et aux fast-foods, la vente à emporter connaît un réel essor pendant la crise sanitaire du COVID19, avec une hausse de 25% des commandes et de 11% des points de vente en un an. Alors que ce mode de consommation redonne une impulsion aux restaurateurs qui peinaient à poursuivre leur activité, il représente en réalité un véritable fléau pour l’environnement. L’augmentation massive de l’utilisation de contenants jetables conduit à un accroissement considérable des déchets qui ne sont pas toujours triés. D’autant plus que les contenants en carton utilisés par la plupart des restaurateurs sont composés de divers matériaux dont le plastique, permettant de rendre les boîtes plus étanches lors du transport. De nouvelles lois et mesures ont été mises en place depuis 2020, notamment la loi AGEC qui aspire à changer le modèle de production et de consommation pour limiter les déchets. Malheureusement, les pratiques incitées par cette loi restent aujourd’hui peu connues et encore loin d’être largement adoptées.
Dans ce contexte de transition écologique, la démarche zéro déchet prend de plus en plus d’ampleur au sein de la ville de Paris. Certaines collectivités œuvrent pour une sensibilisation menée à l’échelle locale grâce à un accompagnement des riverains et des commerçants dans la gestion de leurs déchets. L’approche adoptée auprès des acteur·ice·s occupant le territoire zéro déchet préconise l’importance d’une économie circulaire de proximité. Concrètement, cela se traduit par la volonté de sortir du tout-jetable, et c’est dans cette optique que se développe Oeco, une initiative portée par l’Association du Site de la Villette. L’initiative met en place une boucle locale de réemploi des contenants alimentaires par le biais d’emballages consignés réutilisables. Avec le soutien de Zero Waste Paris, Oeco accompagne les commerçants du 19ème arrondissement dans la mise en place de ce dispositif et dans la gestion de la logistique avec plusieurs services proposés tels que le lavage ou la traçabilité des contenants.
Le 19ème passe à la consigne !
Dans le cadre de ce projet, deux restauratrices, Rita et Codou, ont fait le choix de mettre en place des systèmes de consigne dans leurs établissements afin de lutter contre les emballages jetables. Rita, qui travaille au Bancs Publics, un bistrot de quartier fondé il y a dix ans, explique que “le chef essaie de revisiter les plats de bistronomie classiques”. Avec une approche soucieuse de l’environnement, elle précise que “rien n’est jeté” et que “s’il reste des plats de la veille, ils sont transformés en entrée le lendemain”. Dans une démarche similaire, elle ajoute que “toutes les épluchures de légumes sont utilisées pour faire des bouillons”. Cette volonté de réduire le gaspillage alimentaire s’inscrit dans une quête de durabilité que l’on retrouve également chez Codou, restauratrice à Boolofood, un restaurant sénégalais engagé dans plusieurs causes sociales. Selon elle, leur démarche écoresponsable est une valeur fondamentale de leur établissement : “c’est dans nos valeurs, on a une démarche écologique tout simplement, on répond à des objectifs de développement durable.” Codou ajoute que son restaurant œuvre pour la réduction des déchets sous toutes ses formes à travers des collaborations avec des initiatives comme Too Good To Go et des structures de compostage pour valoriser ses déchets alimentaires. Ensemble, ces deux restauratrices incarnent une nouvelle génération de professionnels de la restauration, qui allient tradition culinaire et responsabilité écologique.
Au-delà de l’intérêt environnemental mis en avant par ce mouvement, le système de consigne offre un réel avantage économique à ces restauratrices. Habituellement, les clients “jettent trois boîtes pour manger entrée, plat, dessert”, et, comme le précise Rita, “c’est 50 centimes la boîte qui est jetée cinq minutes plus tard, c’est vraiment dommage”. En instaurant la consigne, les dépenses inutiles liées aux emballages jetables sont réduites, permettant ainsi une meilleure gestion des coûts. Parallèlement, ce système circulaire contribue naturellement à un effet de fidélisation qui garantit le retour des consommateurs. En effet, comme le constatent les deux restauratrices, “ça pousse le client à revenir, rendre les boîtes, consommer un café, reprendre un plat le lendemain !” En incitant les clients à rapporter leur contenant, ce système encourage de nouvelles visites et renforce la relation client. Enfin, la consigne offre un autre avantage majeur : le gain de place au niveau du stockage. Aux Bancs Publics, Rita remarque une vraie différence avec “80 boîtes consignées contre plus de 400 boîtes jetables à stocker en bas”. Cela permet de libérer de l’espace, un atout précieux pour les restaurateurs parisiens. Ainsi, le système de consigne s’avère être une solution à la fois économique, pratique et fidélisante pour les restaurateurs.
L’économie circulaire, clé de la transition écologique
Afin de répondre aux problématiques actuelles et envisager de futures mesures réglementaires, Zero Waste Paris tente d’élargir la boucle à d’autres commerçants et restaurateurs du 19ème arrondissement, le défi étant d’encourager le plus grand nombre de restaurateurs à rejoindre l’initiative afin de créer un véritable maillage local. Codou explique que ce serait vraiment avantageux, “parce que plus on est nombreux, plus ce système fonctionne, mais là, vu qu’on n’est pas beaucoup, les clients qui ne sont que de passage ne savent pas trop où rapporter leur bol après avoir consommé leur plat”. L’objectif est donc de pérenniser le système en créant des circuits où la récupération et la réutilisation des emballages consignés se développent de manière fluide et systématique. La valorisation de cette pratique auprès des consommateurs demande un réel effort pédagogique, mais en augmentant le nombre d’adhérents, le discours deviendra plus persuasif. Ce sont justement ces initiatives collectives qui constituent les fondations de l’économie circulaire de proximité : un modèle économique où les ressources sont réutilisées localement, réduisant ainsi les besoins en matières premières et limitant les déchets. Par conséquent, si l’initiative est mise en place par les restaurateurs, les efforts devront concerner tous les acteurs de la chaîne de production. Comme le précise Rita, “on reçoit tout dans des cartons, il faudrait que les fournisseurs réduisent eux aussi leurs emballages pour que l’on puisse réduire nos déchets”. En favorisant la collaboration entre restaurateurs, fournisseurs et clients, ce système renforce la résilience des territoires zéro déchet face aux enjeux environnementaux et doit permettre, à terme, d’amorcer une véritable transition vers un modèle de consommation plus responsable, durable et respectueux de la planète.