Tri des biodéchets à Paris

La Ville de Paris à l’heure du tri des biodéchets 

Depuis le 1er janvier 2024, conformément au droit européen et à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC) de 2020, le tri à la source des biodéchets en vue de leur valorisation doit être généralisées. Les collectivités territoriales sont désormais tenues de mettre à disposition de leurs habitant.e.s au moins une solution de tri de ces déchets, en vue de leur traitement.

Zero Waste Paris part à la rencontre des collectivités pour savoir ce qu’elles ont déjà mis en place ou prévus de mettre en place sur leur territoire pour le tri à la source des biodéchets.

Direction tout d’abord la Mairie de Paris avec Matthieu Seignez, responsable du service Communication de la Direction de la Propreté et de l’Eau de la Ville de Paris.

Zero Waste Paris souhaite souligner que les propos recueillis ne représentent pas les positions de l’association. Nous avançons nos positions et recommandations en matière de gestion des biodéchets à la fin de cet article.  

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, ainsi que vos fonctions ?  

Matthieu Seignez :

« Je travaille en tant que responsable du Service Communication de la Direction de la Propreté et de l’Eau. Celle-ci a la charge du nettoyage des rues (trottoirs et chaussées, nettoyage des graffitis et affiches),

de la collecte des déchets et encombrants sur l’ensemble de la commune, mais aussi les sujets de l’eau et de l’assainissement. »

Quelle est la politique de la Ville de Paris concernant le traitement des biodéchets à partir de janvier 2024 ?  

Matthieu Seignez :

« Tout d’abord, il faut savoir que la collecte quotidienne à Paris récupère près de 3000 tonnes de déchets ménagers par jour. 

Les biodéchets regroupent à la fois les déchets alimentaires et les déchets dits « verts », c’est-à-dire provenant de jardins et de parcs. A Paris, la majorité de ces biodéchets sont alimentaires. La majorité des biodéchets va être collectée pour être dirigée vers des unités de méthanisation :  ils deviennent ainsi un vecteur d’économie circulaire, source de production de gaz vert.

Concernant la Ville de Paris, la collecte de déchets est pour moitié en régime public et en régime privé pour l’autre moitié, selon les arrondissements.

Tout un marché est en train de naître : les acteurs en capacité d’absorber de grandes quantités, d’avoir les débouchés techniques et économiques pour que cela ait du sens, sont en train de se construire. Cela implique une véritable logistique, et évidemment un coût.

Dans ce contexte, la Ville de Paris doit apporter de plus en plus de solutions : elle a notamment décidé de compléter les dispositifs de tri dans l’espace public avec davantage de bornes dédiées à la collecte des déchets alimentaires. Ces bornes sont accessibles 24h/24, 7j/7. »

Des aménagements sont déjà mis en place au sein de nombreux quartiers de la ville, pouvez-vous en parler ? Qu’avez-vous déjà fait et quels sont les enseignements que vous en avez tiré ? 

Matthieu Seignez : 

« Dès 2015, on a mis en place, sur les marchés alimentaires, la collecte séparée des biodéchets pour les commerçants. Cela leur permet de répondre à leur obligation légale de tri. Huit ans plus tard, les résultats sont mitigés. Tous les commerçants ne jouent pas toujours le jeu. Ce n’est pas simple pour la Ville d’agir, car ce n’est pas dans le champ de la collectivité de contrôler, de faire la police de l’environnement. 

Ensuite, en 2017, on a mis en place une collecte en porte-à-porte avec la mise à disposition de bacs marrons pour les déchets alimentaires, des bio-seaux et des sacs compostables dans les 2ème et 12ème arrondissements.

En 2024, nous allons changer de stratégie et arrêter la collecte en porte-à-porte. On s’est heurté à une réalité très française : légalement, le tri n’est pas obligatoire pour les particuliers. Par exemple, les copropriétés ne sont pas obligées de s’équiper pour les déchets alimentaires. Le taux d’adoption des bacs marrons dans les 12ème et 2ème était assez limité malgré l’appui des mairies d’arrondissement et l’effort de la Ville de Paris sur le sujet. 

En 2019, nous avons lancé la collecte en porte-à-porte dans un nouvel arrondissement, le 19e, en tirant les enseignements des 2 premiers lancements. Nous avons lancé une campagne de sensibilisation, avec plus de travail auprès des gardiens d’immeubles, des bailleurs sociaux et conseils de quartier. Cela a mieux démarré, mais malheureusement, en mars 2020, en raison du Covid, il a fallu suspendre les collectes sélectives. Nous n’avons jamais retrouvé les tonnages qu’on avait avant la pandémie.  

À partir de l’automne 2020, les bornes sur les marchés alimentaires et les points d’apport volontaire se sont généralisés. On a doublé les bacs avec également des stands d’animation (distribution de bio-seaux, etc.).  

Aujourd’hui, des bornes sont accessibles 7j/7, 24h sur 24, et sont collectées deux à trois fois par semaine selon les endroits. On a près de 70 marchés équipés : chacun dispose de 2 à 4 bornes accessibles et disponibles. On aimerait que ça devienne progressivement un phénomène de société qui change les habitudes de tout le monde. »

Que comptez-vous encore mettre en place pour généraliser ce tri à grande échelle ?  

Matthieu Seignez : 

« Tout d’abord, il y a l’appui au compostage, qui est différent des bornes accessibles à tou.te.s prévues pour la méthanisation. Aujourd’hui, il y a près de 1000 sites de compostage à Paris avec, globalement, trois types de compost collectif : les composteurs de quartier gérés par des associations, les projets collectifs dans les structures publiques ou parapubliques (écoles, EHPAD, etc.) et les composteurs au sein d’une cour d’immeuble (à la demande d’une copropriété). 

Aujourd’hui, il y a beaucoup de composteurs qui débordent et l’objectif est de travailler sur le débouché du compost. Concernant le lombricompostage individuel, on délivre plusieurs centaines de lombricomposteurs deux fois par an avec des campagnes de dons en mairies d’arrondissement.  

En 2019, on a lancé des stations Trilib’ : il y en a aujourd’hui près de 400 déployées à Paris. En 2024, tous les Trilib’ seront équipés d’un nouveau module conçu pour accueillir les déchets alimentaires. Globalement, on arrivera à 600/700 points d’apport en 2024 pour les biodéchets. D’ailleurs, on ne s’interdit pas d’expérimenter des bornes sur des lieux stratégiques : on a notamment fait le test devant quelques écoles.  

Les Trilib’ sont soumis à l’aval de chaque arrondissement. Au démarrage, l’offre ne sera donc pas forcément la même selon les arrondissements. Mais les habitants peuvent faire pression sur leurs élus locaux. »

Quelle est la communication établie par la collectivité à ce sujet ? Pensez-vous qu’elle touchera suffisamment de citoyen.nes et que ces dernier.es vont adhérer à la pratique ? 

Matthieu Seignez :  

« La collecte des biodéchets, mais également l’information sur le sujet, relève de la responsabilité de la collectivité. Les déchets sont un véritable impensé collectif. Les leviers pour éviter que les problèmes arrivent sont très limités : si on n’a pas les moyens de s’attaquer à la racine du mal – c’est-à-dire la réalité des modes de vie et de consommation -, c’est compliqué.

En tout cas, une fenêtre s’ouvre car cela relève du national : on a une fenêtre de tir exceptionnelle pour parler des déchets, bien qu’il s’agisse des déchets les moins problématiques. 

La communication à l’échelle de la Ville de Paris va se faire au fur et à mesure, arrondissement par arrondissement. 

Nous allons notamment faire du boîtage par un courrier de la mairie de Paris pour expliquer que c’est opérationnel et où il est possible d’aller pour déposer ses biodéchets. Il y aura des stands d’information et de sensibilisation locale avec des éco-animateurs, notamment à la sortie des écoles et des métros. Les actions seront très locales avant que l’on s’attaque à l’affichage urbain et aux réseaux sociaux.  

Je ne sais pas si beaucoup de monde va se sentir concerné dès début 2024, mais on espère que dans cinq, dix ans, tout le monde triera ses biodéchets. »

Y a-t-il une stratégie différente selon les publics : ménages, commerces, administrations, entreprises, et gros producteurs de biodéchets (> 5 t/an) déjà soumis à l’obligation de tri à la source depuis le 1er janvier 2023 ? 

Matthieu Seignez :   

« L’obligation de tri à la source s’impose aux gros producteurs de biodéchets (> 10 tonnes) depuis le 1er janvier 2016. Pour réduire les déchets, il est recommandé de proposer un doggy bag pour les restes de repas. La Ville de Paris a doté une centaine de restaurants parisiens de « box anti-gaspi ». L’obligation de tri des déchets alimentaires des gros producteurs s’est étendue à ceux produisant plus de 5 tonnes par an à compter du 1er janvier 2023, et au 1er janvier 2024, ce seront tous les producteurs qui seront concernés, quel que soit le volume de déchets produit. 

On produit nous-mêmes, en tant que Ville, des biodéchets avec les restaurants sociaux, les écoles, les crèches, etc. On a récupéré des biodéchets auprès de 400 établissements à la rentrée scolaire de 2023, qu’on ne collectait pas jusqu’alors. On fait de l’accompagnement avec les caisses des écoles, les affaires scolaires, les mairies d’arrondissement, etc. pour former les professionnels (gardiens, cuisiniers, etc.) mais il y a aussi derrière la sensibilisation des enfants. »

Propos recueillis par Inès Saab, bénévole chez Zero Waste Paris


L’avis de Zero Waste Paris

Zero Waste Paris souhaite réaffirmer que l’obligation de trier à la source les biodéchets (déchets alimentaires et déchets verts) est inscrite dans la loi depuis 8 ans et encourage dès lors la Ville de Paris à proposer un plan de déploiement pour généraliser le tri à la source des biodéchets à grande échelle, avec des investissements spécifiques sur le long terme.

Zero Waste Paris souligne le travail de sensibilisation et de communication qui doit être effectué sur court, moyen et long termes.

Des solutions concrètes sont nécessaires, allant de la distribution de plus de composteurs individuels à la mise en place d’une collecte séparée (en porte-à-porte ou points d’apport volontaire), en passant par le déploiement de sites de compostage partagé (et de proximité) et la formation des habitant.es à la réduction des déchets verts.

Enfin, Zero Waste Paris est convaincu que le changement des comportements, des pratiques et des habitudes de chacun.e est possible, et a conscience de la réalité du terrain et des différents blocages notamment légaux et sociétaux auxquels la ville de Paris peut être confrontée. 

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